Gestion des terres en milieu rural et environnement : l'exemple de Balga

Publié le par ACTION-DGDRE

Système de gestion des terres agricoles en milieu rural dans la région de l'Est du Burkina Faso et problématique environnementale : Exemple du village de Balga


Par

M. Emmanuel YONI

Université Senghor d'Alexandrie

Master en Développement

Gestion de l'Environnement

Janvier 2009

 


Introduction

La problématique environnementale de nos jours sur le plan international se pose en termes de changements climatiques, réchauffement global, émissions de GES et du CO2, pollution atmosphérique, assainissement, gestion des déchets et eaux usées, pollution industrielle, consommation d'énergie fossile, etc.

A l'échelle rurale et particulièrement en Afrique subsaharienne, il faudra poser la problématique en termes de gestion des ressources naturelles, plus précisément le sol, l'eau, la végétation ligneuse et la faune, face aux progrès technologiques.

En effet, autant à l'aube de l'ère industrielle, l'humanité a crue à l'infinité des ressources naturelles énergétiques (houille, charbon, pétrole, etc.) et des matières premières (or, fer, diamant, etc.), la capacité du sol et des mers à s'auto épurer naturellement, etc.

Autant, les communautés rurales ont toujours, plus ou moins, fait confiance à la pérennité de leurs terres, à la régularité des pluies, à la régénération des arbres coupés, à la reproduction des espèces sauvages, etc., jusqu'à l'introduction de nouvelles techniques culturales.

A l'aube du 21ème siècle, les plaidoyers qui soutiennent la thèse selon laquelle notre planète serait en saturation n'en manquent plus. Avec un outil comme l'empreinte écologique, si tous les habitants de la terre consommaient comme un américain par exemple, il faudrait au moins sept planètes terre pour satisfaire aux besoins de la population actuelle du globe. En moins d'un siècle de développement, une différence nette se dégage par rapport aux siècles derniers. La terre n'en peut plus. A l'humanité de prendre ses dispositions pour assurer sa pérennité.

Introduire le thème du développement durable dans le milieu rural, c'est simplement, leur redire « c'est vous qui aviez raison ! ». Chose que les développeurs mettrons des siècles, pour faire comprendre et reconstruire ce qu'ils ont détruit en quelques dizaines d'années sans grand effort. Le principe du développement durable était en effet pratiqué par notre société traditionnelle. Elle vivait dans un système de solidarité, exploitait juste ce qu'il faut, pour produire juste ce dont on a besoin. Ce qui a permit à l'humanité de traverser des millions d'années jusqu'à ce jour. Les progrès technologiques, intervenus il y'a juste quelques siècles, ont entraîné une détérioration très rapide sans aucun lien d'avec les temps de notre histoire sur terre.

La description suivante d'un milieu rural au Burkina Faso, en lien avec l'évolution de son environnement, montre que les pratiques traditionnelles de gestion du terroir ne sont devenues néfastes que suites à l'évolution des besoins matériels créés par la modernisation.


Généralités sur Balga

Le village de Balga appartient à la circonscription administrative du département de Diapangou, dans la province du Gourma, région de l'Est au Burkina Faso. Le village est situé au nord-ouest du chef lieu de région (fada N'Gourma) et au nord du chef lieu du département (Diapangou). Ses coordonnées géographiques sont 12°13' latitudes Nord et 0°11' longitudes Est.

Le relief est plat. Aucune élévation significative ne se rencontre dans les limites territoriales du village. Le climat est de type sahélo-soudanien. La pluviométrie varie entre les isohyètes 600 et 900 mm d'une année à l'autre.

Les sols couramment rencontrés sont de types sableux ou sableux latéritiques.

Selon la tradition orale, Balga a été créé autour du 18ème siècle par le prince Balgiyuni venu de Bilanga (tradition orale), il compte aujourd'hui une population 4 713 habitants (MATD, 2005).


Tableau de répartition de la population de Balga centre et villages circonscrits

Balga centre

3 047

Bassabliga

588

Doaligou

429

Pendori

180

Tchomboado

469

TOTAL

4 713

               Source : MATD, 2005


Organisation sociopolitique coutumière

Son organisation s'insère dans la hiérarchie de gouvernance et de division administrative existant avant la colonisation en pays gourmantché : le roi au niveau du royaume, les chefs de «diéma» 1 ou principautés, le chef de village et les ministres au niveau des quartiers.

Le chef du village de Balga est élu parmi les princes (LOMPO ou LANKOANDE) au suffrage direct.

Le vote se fait par alignement derrière (à la suite du) le candidat de votre choix. La commission électorale, présidée par le délégué du Chef du « diéma » de Bilanga ou principauté auquel il est rattaché selon la division administrative précoloniale, procède au comptage des voix. Le futur Chef est désigné à la majorité simple du suffrage exprimé. Le candidat ainsi désigné par la population est intronisé par l'envoyer spécial du « diéma » de Bilanga. Il n'obtient les pleins pouvoirs qu'après trois ans de règne après son intronisation.

Le Chef intronisé est assisté d'un premier ministre, conseiller du Chef et de six (6) autres ministres nommés. Autant le chef règne à vie, tout ministre est nommé à vie. Ils résident en général dans différents quartiers du village. Cela, dans un esprit de représentativité, qui renforce la cohésion et l'unité du village. Le nouveau chef ne peut changer un ministre toujours en vie, même si ce dernier a été nommé par son prédécesseur. Seuls les ministres décédés sont remplacés par des successeurs nommés par le nouveau chef.

A cette organisation politique s'ajoute quelques groupes socioprofessionnels qui ont des rapports privilégiés avec la cours du chef, il s'agit :

  • des griots qui assurent l'accompagnement de l'intronisation des chefs, les chants de louanges lors des fêtes coutumières telles que la fête des récoltes (dilimbu), l'intronisation de chef ou de ministre (Tampugu), les salutations de belle famille (Cuali), les funérailles (kumuanni), les mariages (ñiigili), etc. ;

  • des forgerons qui sont responsables de la fabrication des outils de travail (daba, houe, pioche, coupe-coupe, hache, faucille, lance, flèches, etc.).

Infrastructures socio-économiques

Le village compte trois écoles à 3 classes. La première, ouverte en 1985, se trouve à Balga centre. La seconde, à l'ouest du village (école de Tchomboado) est ouverte en 2004 et la toute dernière se trouve au nord (école de Doaligou) est fonctionnelle depuis 2006.

Un centre de Santé et de promotion Sociale (CSPS) comprenant un dispensaire, une maternité et un dépôt pharmaceutique sont fonctionnels depuis 1990.

Le marché du village a lieu tous les trois jours. En termes d'infrastructures routières, un projet de réhabilitation de piste est en cours et relie le village au chef lieu de département situé à 12 km. En ce lieu, la piste fait embranchement avec la RN04 (bitumé), axe Ouagadougou Niger.

D'autres pistes rurales construites suivant la méthode HIMO (haute intensité de main d'œuvre) permettent de relier le village de Balga à celui de Tiantiaka (10 km) et de Nayouri (9 km) embranchement RN18 (Bogandé-Fada-Bénin).

Un barrage a été réalisé en 1996 suivant un cours d'eau qui traverse le centre du village. Son usage est presque exclusivement réservé à l'abreuvage du bétail, à partir du mois d'octobre.


Le mode de gestion et d'exploitation des terres


Le droit foncier coutumier

Au Burkina Faso le régime juridique moderne sur le foncier est fondé sur la Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) adoptée en 1984 et modifiée suivant la loi n°14/96/ADP du 24 mars 1996 portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) au Burkina. Selon cette loi la terre appartient à l'Etat. Plus précisément, l'article 4 stipule que « le domaine foncier national est de plein droit propriété de l'Etat ». Toutefois, dans cette dernière version, les ressources restent la propriété des peuples qui les exploitent. Mais elle peine à s'appliquer dans la réalité. La terre continue d'être gérée selon le droit coutumier. Il faut noter que les populations rurales ignorent d'ailleurs son existence.

Selon le droit coutumier sur le foncier dans cette région du Burkina, la terre appartient à son premier occupant. Ce droit de propriété n'est pas individuel, mais plutôt familial ou plus largement obéit au système de lignage. Il est transmis de génération en génération. Tout individu appartenant au lignage ou au clan peut prétendre exploiter une terre ayant déjà fait l'objet d'une occupation préalable par un parent dont il peut faire la preuve de lien de parenté (ancêtre, oncle paternel voire maternel, s'il n'y a pas de parent plus proche qui en désire, etc.). Le droit d'usage est reconnu pour tous les membres du clan y compris femmes admises dans la famille par le lien du mariage et les enfants en âge d'exploiter la terre.

Toutefois, ce droit coutumier exclut les migrants et les nomades (notamment les peuls) de la propriété terrienne. Cette organisation prévaut, en général, à travers toute l'espace du Gulmu.


Mode de gestion

Dans le village de Balga, et dans toute la région de l'Est en général, l'exploitation des terres est basée à priori sur les champs communautaires et le chef de famille en est le responsable. Autour du champ familial, les membres de la famille (femmes, enfants, jeunes hommes, etc.) disposent de petits jardins qu'ils entretiennent pendant leurs temps libres (achèvement du sarclages du champs familiale, temps de repos, etc.).

La production familiale est commune. Elle sert à assurer les besoins essentiels de la famille (alimentaires, soins, mariages, funérailles, cultes, etc.). Le foyer (cuisine) en général est communautaire. Le plat est partagé en commun (les hommes mangent ensemble dans le même plat, les femmes pareils). Les soins sont assurés par le revenu familial.

Quand aux besoins secondaires et individuels (loisirs, habillements, argents de poches, alcool, etc.), chacun devrait compter sur la production de son jardin individuel.

Une particularité, le revenu familial, n'assure généralement pas les besoins en condiments des femmes de foyers (popote). Les femmes doivent en assurer par leurs propres moyens (cueillette directe ou réserves de feuilles séchées cueillies pendant les temps favorables). La nourriture de base est le tô (pâte de mil ou de maïs).

Le riz est rentré très récemment dans l'alimentation courante dans le milieu rural de la région. Jadis, cette denrée était réservée aux périodes festives. Une anecdote, en 2006 une pénurie alimentaire est intervenue au Burkina Faso. Les populations rurales n'avaient plus accès au petit mil ou au maïs devenu très cher, par rapport au riz, notamment importé d'Asie à prix abordable. Les paysans revendaient leur bétail pour s'en en procurer. Le chef de famille, devrait cacher son sac de riz après l'avoir acheté et sa consommation se faisait dans le secret. Sinon, signe de déshonneur familial dans le village. Et pour rigoler, une parole mal placée dans un groupe de discussion, on te posait la question suivante : « a ŋman muuli bii ? ». Ce qui signifie : « te nourris-tu de riz ? ».


L'espace villageois en saturation

Avant l'explosion démographique qui a marqué le siècle dernier, les familles étaient caractérisées par leur nombre restreint. En effet, les progrès scientifiques du moment, notamment dans le domaine de la santé, ont limité les épidémies qui causaient mort des nouveaux nés dans les milieux ruraux, améliorer l'espérance de vie et ont favorisé une croissance plus rapide des populations.

Les besoins alimentaires (beaucoup de bouches à nourrir) et matériels se sont accrus. Par ailleurs, la culture occidentale a profondément modifié le mode de vie des populations. Les terres appartenant à chaque clan (jachères et terres en cours d'exploitation) deviennent très insuffisantes faces aux besoins actuels.

En outre, les rendements sont de plus en plus faibles du faits des aléas climatiques, de l'appauvrissement des terres agricoles en éléments nutritifs. Ce qui a pour conséquences le recours aux nouvelles techniques agricoles plus ou moins mécanisées (charrue à traction animale, tracteur agricole), aux fertilisants chimiques, etc.

La polygamie et les mariages précoces, en milieu rural, deviennent un moyen d'accroître la main d'œuvre familiale. Tous ces facteurs ont permis d'accroître les superficies de terres exploitées.

Les champs communautaires, qui comprenaient tous les membres du clan (père, frères, enfants, cousins, toutes les femmes du clan, etc.), disparaissent. Il se forme plutôt de champs familiaux, constitués généralement (du mari, sa (ses) femme (s), et ses enfants célibataires). En effet, dès le mariage, qui se fait généralement très précocement (dès l'âge de 18 ans), le jeune homme devrait se détacher et cultiver son propre champ avec sa femme et ses enfants qu'il aura procréés. Il a le droit d'occuper une des jachères du clan.

Les besoins croissants en terres cultivables s'amplifient. La terre ancestrale, dont l'exploitation était essentiellement assurée à la houe humaine, ne permettant pas l'occupation de grande superficie, ne peut plus répondre à la demande.


Les solutions usuelles

Pour faire face à ce besoin de terre, les jeunes nouvellement détachés vont à la recherche de terre primaire (terre sans maître) dans l'espace villageois. A défaut d'y en trouver, ils sont contraints à l'immigration vers des terres neutres et encore plus productives notamment vers l'est ou le sud de la région (Kompienga, est du Gourma, Komandjari, etc.).

On peut aussi obtenir faveur auprès d'un ami, un parent même lointain, etc., qui prête sa jachère à un demandeur pour exploitation, tout en conservant le droit de propriété avec possibilité de retrait en cas de besoin. De coutume, la terre ne peut être vendue. En contrepartie, un poigné de cola en guise de reconnaissance est couramment donné au propriétaire.


Les activités économiques du village

L'activité économique du village se repose essentiellement sur l'agriculture. Une agriculture de subsistance pratiquée par l'ensemble de ses habitants. Les autres activités telles que l'élevage, le commerce, etc. ne sont que complémentaires, afin d'accroître les sources de revenus.


L'agriculture


Types de cultures et espèces

L'agriculture est purement de type pluvial à dominance céréalière (mil, sorgho, maïs, etc.).

Quelques cultures de rente viennent en complément. Notamment les arachides et le coton sont très cultivés par les jeunes pour assurer leurs besoins secondaires. Le soja et le sésame sont beaucoup prisés par les femmes car, en plus des possibilités de vente, le soja en particulier est utilisé pour la sauce qui accompagne le plat de base dans le village qu'est le tô. Le haricot est mis en semi seul (généralement dans les nouveaux champs) ou en association avec d'autres cultures (sorgho, mil, maïs, gombo, etc.). Ce dernier tolère les semis en retard, ou l'association avec d'autres cultures.

Des tubercules tels que le manioc et les patates douces sont également cultivés. On note également d'autres cultures telles le gombo, les poids de terre, etc.


La pratique culturale, culture extensive et jachère

Pour installer son champ, le paysan fait appel à l'aide de ses parents, amis et voisins. Tous les arbustes et arbres sur l'espace choisi sont défrichés à la hache ou la machette, à l'exception du karité (Buturospermum Parkii) et le néré (...). L'espace déboisé, est brûlé pour le débarrasser de tout débris pouvant gêner le sarclage. Dès les premières pluies, le paysan procède au labour de nouveaux champs à la houe, ou à l'aide de moyens légèrement mécanisés (charrue à traction animale). Les semis sont mis en place et le processus d'entretien des plantes suit sont cours, jusqu'à la récoltes.

Pour les vieux champs, les travaux champêtres commencent au mois d'avril. On élimine également par brûlis, le reste de tiges des récoltes précédentes non consommées par le bétail et les jeunes repousses d'arbustes favorisés par l'absence d'intervention de plus de cinq (5) mois. On procède en suite au semi direct ou par sarclage avant semi si les mauvaises herbes ont déjà colonisé les champs.

Avec les nouvelles techniques de légère mécanisation, on procède à des semis en ligne si l'on envisage faire usage de la charrue durant l'entretien des plantes, sinon en quinconce.


L'élevage

L'élevage dans le village de Balga est une activité secondaire. Il vient en appoint à l'agriculture en lui apportant le soutien technique (traction de charrue, charrette, semoir, etc.) et des revenus supplémentaires à la famille après la vente des bêtes, une source d'apport alimentaire direct (lait frais des vaches). Les paysans leurs consacrent beaucoup de leurs temps seulement pendant la saison morte (décembre à avril).


Composition du cheptel

Le cheptel balgalais est composé essentiellement de bovins, d'ovins, de caprices, de porcins, d'ânes, et quelques animaux d'accompagnement tels que le chien et le chat.

L'élevage de volaille comprend essentiellement les poules, les pintades, les canards et les pigeons.


La pratique

Le mode d'élevage pratiqué est de type extensif. Jadis la garde était confiée aux peuls. Mais depuis quelques décennies, elle est assurée par les enfants de la famille. Ce qui coûte peu de frais, garantie une meilleure garde, accroît le profit. En effet, le lait frais est directement mis à profit, les déjections animales sont utilisées pour la fertilisation des champs, les taureaux servent pour la traction des charrues et autres outils de travail agricole, etc.

Les enfants de la famille conduisent les animaux paître à travers les espaces non occupés par les champs (jachères, forêts vierge, etc.). Après, les récoltes, ils sont conduits dans les champs, pour pâturer sur les résidus de cultures. Leurs abreuvages se font autour des points d'eau de surface (marigot, lacune, barrage). En période sèche, la plupart de ces points tarissent. Les populations creusent artisanalement des puits au voisinage des bas-fonds qui vont servir à l'abreuvage, jusqu'à la tombée des prochaines premières pluies courant avril - mai.


L'élévage comme moyen de thésaurisation du surplus agricole

Jadis, l'élevage était dans le village était l'apanage des peuples nomades (peuls). Leurs bétails étaient le plus souvent confiés par les autochtones (paysans).

A ce jour, le besoin d'estime, le caractère signe d'aisance et de richesse familiale, que confère le bétail pour les paysans, la perte de confiance aux peuls, l'accroissement du nombres d'enfants par famille, les bénéfices liés aux amendements que offrent les déjections animales et l'introduction de la charrue à traction animale, ont conduit au retrait auprès des bergers peuls leurs bétail et à l'installation d'enclos dans chaque concession (famille).

Au delà des ces considérations d'ordre socioculturel, les besoins de diversification des sources de revenus par la fructification du revenu agricole sont l'une des raisons principales qui ont conduit l'adoption de l'élevage par la population rurale de Balga. En effet, au début de la période des semis (juin, juillet), les paysans (chef de famille) évaluent leurs besoins alimentaires (en quantité de grains de céréales) nécessaires pour traverser la saison en cours (atteindre les récoltes prochaines.). Cette période est la période par excellence celle des meilleurs prix des denrées alimentaires, pour les paysans, sur les places des marchés villageois, du fait de la raréfaction des céréales qui commence à se faire sentir en milieu rural. Les commerçants ayant spéculé la majorité des récoltes en début des récoltes (dès janvier, décembre).

Le surplus estimé est alors vendu au bon prix. L'argent obtenu, n'est pas placé dans une institution financière. Ils réinvestissent dans l'achat de bêtes (bovins, ovins, caprices, ânes, etc.), qui vont lui servir pour le labour des champs durant la saison de cultures, et leurs déjections utilisées dans l'amendement des champs. Quelque mois ou années plus tard, elles sont vendues à leurs tours, avec plus de bénéfices.


Les produits non ligneux

Les produits non ligneux très prisés dans le village sont entre autres :

  • le Karité, dont la pulpe est comestible directement et les noix sont soient vendus, soient transformés artisanalement en beurre alimentaire ;

  • le néré dont la pulpe est également comestible. Les graines sont vendues ou servent à la fabrication du soumbala ou « tuonu » en langue locale. Très riche en protéine, il intervient quotidiennement dans la préparation de la sauce familiale et presque dans tous le mets ;

  • les fruits et les feuilles de baobab sont tous comestibles. Les feuilles interviennent dans la préparation de la sauce du tô. Concernant les fruits, les pulpes sont consommées directement et les graines transformées servent aussi dans la sauce ;

  • les raisins sont directement consommés ou transformés en vin ou une sorte de bouillie.

Le commerce

Le marché du village de Balga a lieu tous les trois jours. Ce marché se décale de deux jours à celui de Diapangou (Chef lieu du département) et d'un jour avec celui de Tiantiaka (village voision). Les commerçants de la zone frequentent mutuellement les trois marchés, suivant un cycle triangulaire.

Il s'agit essentiellement de petit commerce, qui se repose sur la spéculation sur les céréales et quelques produits de rente, juste à la fin des récoltes et leur revente pendant les périodes de soudure. Quelques petits commerçants collectent aussi ces céréales et autres produits locaux qu'ils revendent aux grossisses des villes telles que Fada N'Gourma, Koupéla, Pouytenga et Ouagadougou.

Le commerce du bétail repose essentiellement sur les petits ruminants que les populations achètent pour faire de l'embouche ou sont abattus par les bouchés pour alimenter les marchés villageois en viande.

A côté de ses activités, on note dans le marché du village la vente d'articles de produits de base animée par des mini quincailleries (pièces détachées pour vélo, charrue, etc.), des boutiquiers (huile, savons, biscuits, bonbons, sucre, farine, pain, etc.), des produits manufacturières importés (chaussures, vêtements, ustensiles de cuisine, etc.), des meuniers, soudeurs à gaz, couturiers, etc.

Des activités commerciales réservées particulièrement aux femmes sont la production et la vente de la bière locale (bière de sorgho) « demoangou » et la restauration (commerce de riz ou de pattes préparés, baignés, galettes, boulettes de millet, etc.).


Etat de l'environnement

Le village de Balga appartient aux isoètes 600 et 900 mm de pluies par an. La faible densité de population, estimée à 18 habitants au km², confère au territoire une dégradation en termes de végétation moins catastrophique. Toutefois, les pratiques culturales qui y sont menées ne sont pas favorables à une meilleure préservation de l'environnement rural.


Dégradation des terres agricoles

La dégradation des terres agricoles se ressent par la perte des rendements agricoles constatée sur des observations empiriques des paysans. La pratique culturale en vigueur se soucie peu du devenir à long terme des sols. La disponibilité de l'espace cultivable encourage la culture itinérante. En moyenne, elles sont exploitées pour quatre à cinq ans et abandonnées au profit de nouvelles terres ou retour sur des anciennes jachères. En fait peu de terres peuvent être classées marginales. L'arboriculture n'existe pratiquement pas. A cela s'ajoutent les feux de brousses qui couvrent tout le terroir dès le mois de décembre à février, la divagation des animaux et la coupe abusive du bois (bois de chauffe, bois de servitude, etc.). Les sols sont alors facilement lessivés par les vents d'harmattan qui dominent la région de décembre à avril et les pluies torrentielles qui interviennent en début de saison avant la levée du couvert végétal.


Erosion des sols

Les ruisseaux et rigoles naturelles qui traversent les champs et la forêt de savane (constituée essentiellement d'arbustes, jeunes repousses de jachères, etc.), créent des ravines, lessivent la terre végétale du sol et emportent les matières organiques qu'il contient. Ce qui a pour conséquence l'appauvrissement du sol en humus. A certains endroits, on constate la disparition du couvert végétal qui ne parvient plus à pousser lorsque les pluies se réinstallent. Ils se forment alors des clairières. Un couvert végétal discontinue (tacheté).


Avancement du front de terre

Le territoire est presque intégralement occupé par les champs en cours d'exploitation, des habitations, des enclos, pâturages ou des jachères. Les forêts vierges deviennent de plus en plus rares. A l'exception de quelques bosquets classés sacrés (habitats des fétiches, des génies, cimetières, etc.).


Perte de biodiversité


Végétaux

Comme signe de perte de diversité, on observe davantage un éloignement du bois en termes de qualité, de quantité, de et variété. Certaines espèces ont disparu ou sont en voie de l'être. Notamment, des plantes de pharmacopée que l'on ne retrouve plus ou dont on doit parcourir plus de kilomètre, prendre beaucoup de renseignements auprès des paysans, chasseurs, bergers, etc., pour les localiser de nouveau. En effet, certaines recettes médicinales sont abandonnées ou incomplètes avec pour conséquences une inefficacité notoire.


Faune terrestre et aquatique

Pour la faune, la perte de la diversité reste aussi très perceptible. La destruction croissante de leurs habitats, l'abattage systématique des animaux sauvages que se livre tout habitant dès que l'occasion se présente, le braconnage, la présence en tout lieu des animaux domestiques, etc., sont des facteurs qui accroissent le stress chez les animaux sauvages et provoquent leur fuite vers des zones plus sécurisées, notamment dans les aires protégées de la région. On constate une disparition presque totale des espèces telles que l'éléphant, le buffle, le phacochère, l'hyène, le lion, etc. A ce jour, la faune, généralement rencontrée, reste quelques oiseaux (perdrix, pintades sauvages, tourterelles, poules sauvages, etc.) et quelques animaux de tailles moyennes (singes, chacals, lièvres, etc.) et de petites tailles (serpents, chauves souris, écureuils, hérissons, rats, etc.) et très rarement des cerfs.

Pour la faune aquatique, le réseau hydrographique du village est très éphémère. Les points d'eaux s'assèchent entièrement pendant la saison sèche. Par conséquent, elle n'apparaît que pendant les périodes de crues où notamment les poissons remontent les eaux de ruissellement. On rencontre principalement des crapauds, des grenouilles, des tortues et de petits poisons tels que les carpes, les silures, etc.


Conclusion

Cette analyse de la vie des populations rurales particulièrement celles de Balga et leurs systèmes d'exploitation des terres, montrent que les pratiques traditionnelles, dans leur mutation vers les systèmes modernes de production ont des impacts considérables sur l'environnement rural.

En effet, ces nouvelles technologies, par lesquelles les populations entendent accroître leurs productions et parvenir à la satisfaction de leurs besoins essentiels, sont le plus souvent mal comprises et mal utilisées du fait de l'absence de mesures d'accompagnement efficaces visant à limiter les impacts de ces nouvelles technologies (techniques de cultures, engrais chimiques, etc.) et autorisent des abus (chasse au fusils).

Ces petits exploitants agricoles sont bien loin d'être responsables du CO2 des transports, de l'industrie, etc. et autres polluants qui réchauffent la planète, provoquent les changements climatiques, mais subissent et subiront encore les impacts liés à ces changements (modification du régime pluviométrique, inondations, famines, perte de rendements, etc.).

C'est pourquoi, ils devront participer à l'effort international, en agissant local par la gestion durable de leurs terres, forêts, eaux, etc. afin que ces forêts contribuent à piéger cet excès de carbone. Une façon de ralentir le processus tout en espérant que, les plus gros responsables de cette future catastrophe écologique et humanitaire assureront également leurs parts.


Références bibliographiques

Commune Urbaine de Fada. Monographie de la commune urbaine de Fada N'Gourma, 2006, 80 p. ;

DECRET N°2005/PRES/PM/MATD portant répertoire des villages administratifs et des secteurs de communes du Burkina Faso du 1er décembre 2005 (http://www.inforoute-communale.gov.bf/;

Loi N°014/96/ADP portant Réorganisation Agraire et Foncière au Burkina Faso du le 23 mai 1996 ;

Pierre Gény et al., Environnement et développement rural, guide de la GRN, Ed. FRISON-ROCHE, ACCT, M.Coop. Dev., Paris, 1992, 418 p.

Tradition orale. Récit de Nmaandjoa NAABA, griot à la cours du Chef de Balga, 1988 ;


L'auteur

Emmanuel YONI, né le 31 décembre 1978 à Balga, génie civil, aménagiste et environnementaliste de formation. Ses études primaires, il est les a faites à l'école primaire publique mixte de Balga, parmi les premiers élèves de cette école. Le secondaire, ce fût au Lycée Diaba Lompo de Fada, d'où il sort avec un Baccalauréat série "D". Il a effectué son premier et second cycle universitaire à l'Université de Ouagadougou (Burkina Faso), où il achève avec une licence professionnelle en Aménagement du Territoire. Ensuite celui du troisième cycle auprès de l'Université Senghor d'Alexandrie (Egypte), par le canal du concours de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), où il termine avec un Master en développement, spécialité gestion de l'environnement. Il a travail depuis 2003 dans l'administration publique burkinabè, auprès de la Direction Générale des Route (DGR) au sein du Ministère des Infrastructures et du Désenclavement où il exerce des missions de supervision et de contrôle des travaux routiers.





Publié dans DEVELOPPEMENT DURABLE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article